Le poulailler de la discorde

Le 11 avril 2023, la Préfecture donne son autorisation à « l'exploitation sur la commune de Thiéffrain (10140 Aube – 154 habitants) de deux bâtiments pour la production de 90 000 volailles, destinées à la consommation. » Sans rire, elle précise que « l’ensemble des services de l’État mobilisés assurera un suivi attentif régulier des conditions d’exploitation, du respect du bien-être animal et de l’environnement. » Quand on connaît la faiblesse des moyens humains dévolus aux contrôles, quand on sait que l’EARL porteuse du projet est affiliée au groupe SANDERS – DUC, peu connu pour son souci du bien-être animal, on croise les doigts pour que la préfecture veille au grain. 

La déception est grande pour les nombreux opposants au projet, simples citoyens, associations locales (Les auxillaires du vivant, à l’origine d’une pétition sur Change.org), départementales (Aube Environnement, Aube Rurale, groupe aubois des Ecologistes), nationales (L 214). Tout le monde espérait que la Préfecture suivrait l’avis du Commissaire après les résultats de l’enquête publique. 

Le 1er décembre 2022, le Commissaire – Enquêteur émet en effet un avis défavorable au projet. Il le limite à un seul bâtiment de 45 000 volailles. Surtout, il conditionne l’exploitation au strict respect d’une liste de 18 réserves, concernant la pollution des sols, la pollution des nappes par les eaux de lavage, la consommation d’eau, le respect du bien-être animal, la concertation avec la société civile locale, le ramassage des cadavres... 

Il est vrai que le projet cumule les défauts. Il ne crée aucun emploi, il vise une production bas de gamme, destinée au marché africain, qu’il contribue à déstabiliser. Les poussins viennent de Belgique, les poulets retournent en Belgique. Visiblement, les concepteurs n’ont aucune réflexion sur leur empreinte carbone. Archétype de l’élevage ultra-intensif, aux risques patents (maltraitance, maladies, pollution …), il date de 2019, autant dire de Mathusalem au regard des bouleversements survenus depuis. Le calcul des coûts d’exploitation, les hypothèses de conjonctures, les projections de développement devraient entièrement repensés, or, il n’en est rien, on préfère la fuite en avant. Il est bourré d’approximations, de contradictions, notamment sur la question de la nourriture des volailles (en autonomie, ou fournie par le groupe DUC avec les poussins, ou dépendance aux variations du marché ?). De nombreuses zones d’ombres subsistent, telle la consommation d’eau, certains acteurs locaux allant même jusqu’à affirmer que celle-ci atteindrait la quasi-totalité de la consommation de la commune. 

Une fois la déception digérée, la contestation s’organise : en juillet 2023, Les auxillaires du vivant, Aube Durable et L 214 déposent un recours en contentieux au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. Pour l’heure, le projet est retardé, mais pas abandonné. 

Les Écologistes restent mobilisés, solidaires et vigilants.