22 poussins sur une feuille A4 : le conte cruel de l’élevage intensif

Il était une fois, vingt-deux poussins entassés sur une simple feuille A4. Ces petites vies, privées d’espace et de liberté, voyaient chaque jour leur cohabitation devenir plus difficile, leur bien-être s’amenuiser. Face à leur détresse, le grand méchant loup – symbole d’un système industriel sans scrupules – riait de toutes ses dents. Il leur lança alors, cynique : « Ce n’est pas bien grave, dans trente-cinq jours, vous ne serez plus de ce monde. »
Ce conte n’a rien d’une fable pour enfants. Il s’agit malheureusement de la réalité…
Non au méga-projet d’élevage de poulets de chair sur la commune de Sarry
Le groupe écologiste a récemment tiré la sonnette d’alarme concernant un projet d’élevage intensif de poulets à Sarry, à proximité immédiate de Châlons-en-Champagne. Porté par l’exploitation Maillet-Durin, ce projet prévoit la construction de deux bâtiments de 2 200 m² chacun, pour une capacité totale de 101 200 poulets de chair en même temps, destinés principalement à l’industrie agroalimentaire.
Face à l’ampleur de ce projet et à ses impacts potentiels sur l’environnement, la santé publique et le bien-être animal, nous avons officiellement exprimé notre opposition. Le groupe écologiste a déposé une contribution dans le cadre de l’enquête publique, qui s’est tenue du 16 décembre 2024 au 18 janvier 2025. Nous avons également interpellé le préfet de la Marne par courrier afin de demander l’abandon de ce projet, qui va à l’encontre des enjeux de transition écologique et de préservation de la biodiversité.
Ce modèle d’agriculture intensive soulève des inquiétudes majeures sur les plans environnemental, sanitaire, économique et éthique.
1.Une atteinte au bien-être animal inacceptable
Alors que l’Autorité européenne des aliments recommande une densité maximale de 6 poulets par m², la densité prévue ici est de 22 poussins par m², ce qui dépasse largement les recommandations pour garantir un minimum de bien-être animal. Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), une forte concentration d’animaux dans un espace restreint favorise le stress, les blessures et la propagation de maladies. Ce type d’élevage va à l’encontre des attentes croissantes des citoyens pour des pratiques agricoles plus respectueuses des animaux.
2. Des impacts environnementaux préoccupants
Les élevages intensifs sont connus pour leurs émissions massives d’ammoniac, qui contribuent à la
pollution de l’air et des sols. La gestion des déjections animales, en particulier dans un projet d’une telle ampleur, présente un risque élevé pour les nappes phréatiques et les cours d’eau locaux. Par ailleurs, ces installations participent à l’augmentation des gaz à effet de serre, accentuant ainsi les défis climatiques auxquels nous devons faire face.
3. Des risques sanitaires non négligeables
Les élevages intensifs sont des foyers potentiels pour le développement et la propagation de pathogènes zoonotiques (comme la grippe aviaire), posant un risque direct pour la santé publique.
De plus, l’utilisation fréquente d’antibiotiques dans ce type d’élevage favorise l’émergence de bactéries résistantes aux traitements, une menace reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).
4. Un modèle économique non durable
L’agriculture intensive favorise une concentration des profits au détriment des petites exploitations locales. Ce projet pourrait fragiliser les fermes familiales environnantes, qui peinent déjà à rivaliser avec les prix bas imposés par ce type de production industrielle. Pourtant, ces fermes jouent un rôle crucial dans le maintien du tissu économique et social rural tout en proposant des produits de qualité supérieure.
5. La nécessité d’un modèle alternatif : l’agriculture paysanne
Face aux défis environnementaux et sociétaux actuels, il est urgent d’encourager un modèle agricole plus durable et respectueux. Les fermes familiales ou paysannes privilégient des pratiques agroécologiques (densité animale réduite, accès à l’extérieur, rotation des cultures) qui préservent la biodiversité tout en répondant aux attentes des consommateurs pour une alimentation saine et éthique. Ces modèles créent également davantage d’emplois locaux et renforcent la résilience économique des territoires ruraux.
Ce projet ne répond ni aux enjeux environnementaux ni aux attentes sociétales actuelles en matière d’agriculture durable et éthique. Nous avons donc invité le préfet à reconsidérer ce projet et à l’orienter vers un modèle respectueux du bien-être animal, de l’environnement et du tissu économique local.
Ludivine Perard