Du «petit» nucléaire à nos portes ?

La sucrerie Cristal Union a-t-elle ou non un projet d’installation d’un petit réacteur modulaire (SMR) sur son site de Pomacle-Bazancourt (51) ou celui d’Arcis-sur-Aube (10), pour décarboner l’énergie de ses grands sites industriels ? C’est en tout cas ce que prétend la start-up Jimmy Energie. Les dirigeants de Cristal Union, quant à eux, ne veulent rien communiquer. Pourtant les habitant.es sont en droit de savoir. Un tel projet suscite de multiples questions.

Quelle est la technologie du SMR porté par la société Jimmy qui prétend avoir conclu un partenariat avec Cristal Union ? Ces petits réacteurs modulaires (SMR) annoncés par Macron sont-ils une solution de décarbonation ? Sont-ils prêts à être déployés ? La menace est-elle pour demain ? Quels sont les risques ?

Afin de tenter d’y répondre, la commission énergie des Ecologistes et le groupe local des Ecologistes de la Marne ont sollicité l’expertise d’Antoine Bonduelle (E& E Consultant), ex Conseiller au Conseil Economique Social et Environnemental, au titre de l’ONG Réseau Action Climat, et co-réviseur des rapports du GIEC. La conférence s’est tenue le 19 mai 2025 à Caurel, village situé à quelques kilomètres du site.

Parmi les participants, des maires, des militants de partis politiques, des représentants d’associations et quelques habitants du village. La présentation était très technique, passionnante et de très haute qualité (1). Nous nous tenons à disposition, pour de plus amples détails, n’hésitez pas à nous contacter.

(1). Voir ‘’Enquête sur les petits réacteurs nucléaires SMR - mars 2024 Auteur : Antoine Bonduelle, E&E Consultant’’

Mirage ou vraie solution ?

Tels qu’ils sont présentés les SMR serviraient à remédier aux coûts élevés et aux retards des grands réacteurs nucléaires. En réalité la grande majorité des projets proposés sont aujourd’hui à l’état d’esquisse, ou de prototypes en Chine et en Russie. Les retards sont énormes, les performances médiocres et le coût initial de développement, puis les coûts de construction, de maintenance et d’évacuation des
déchets sont très élevés.

Le SMR est présenté comme un ensemble de modules fabriqués en usine, qui seraient ensuite assemblés et livrés clé en mains sur les sites d’utilisation. Mais
construire un petit réacteur nucléaire reste un projet lié au site, et pas un produit industriel de série. Compte-tenu des milliards nécessaires, il est illusoire de les rendre compétitifs par un effet de série. Pour un MWh produit la part de matériaux consommés est 4 fois plus importante que pour un EPR.

Ce que souhaitent les promoteurs de ces projets c’est un allègement des exigences réglementaires contre les menaces internes (sûreté) ou externes (sécurité). Je vous laisse imaginer les risques, surtout lorsque ces technologies sont présentes en de multiples endroits avec la circulation de pièces et déchets sur des camions. Quel assureur accepterait de couvrir de tels risques sur un site privé ? Autre risque qui n’est pas des moindres, les SMR représentent un risque accru de prolifération nucléaire.

Le calendrier des petits réacteurs SMR, les placerait bien au-delà des échéances de la crise climatique, Même si toutes leurs difficultés étaient levées, les petits réacteurs SMR ne seraient pas opérationnels pour les échéances de la crise climatique. Ils ne constituent pas une option de décarbonation.

Selon ces décryptages, nous sommes en droit de nous interroger sur les vraies raisons de la mise en avant de ces SMR par Emmanuel Macron. Nous pouvons imaginer qu’il faut justifier les milliards fléchés sur le nucléaire, pour l’armée ? pour les EPR ? pour limiter les investissements dans les énergies renouvelables ? pour continuer à idéaliser notre prépondérance dans les énergies décarbonées ?

Evelyne Bourgoin