TAFTA : L’oligarchie ne doit pas avancer dans le dos des citoyens

Intervention de Christophe Dumont, Conseiller régional Champagne-Ardenne

Session plénière du conseil régional du 23 juin 2014

Le 14 juin 2013, la Commission européenne a obtenu mandat de la part de tous les États membres pour négocier avec les États-Unis le traité de libre échange transatlantique appelé TTIP ou TAFTA.

 Cet accord n’est pas un accord commercial comme les autres, il vise à instaurer un vaste marché de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, allant au-delà des accords de l’OMC. Ce projet de Grand marché transatlantique vise   la suppression des « barrières non tarifaires » (normes et règles sociales et environnementales) qui amplifierait la concurrence débridée et empêcherait la relocalisation des activités, que nous prônons fermement ici, au sein de l’assemblée régionale de Champagne-Ardenne.

 TAFTA conduirait ainsi à un nivellement par le bas des règles sociales, économiques, sanitaires, culturelles et environnementales, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis. L’adoption de ce traité permettrait l’arrivée en France et en Champagne-Ardenne de lait et de viande produite à l’aide d’hormones ou encore de semences OGM, déjà commercialisés aux Etats-Unis.

Le principe de la reconnaissance mutuelle contenu dans ce texte, selon lequel un produit autorisé sur le marché américain doit automatiquement être autorisé en Europe, pourrait donc en réalité avoir un impact désastreux sur l’ensemble de la chaîne alimentaire en Europe et en Champagne-Ardenne Il pousserait à une ‘américanisation’ du modèle agricole vertueux, que nous essayons de mettre en place au niveau régional.  

L’imposition d’un mode de vie uniformisé irait à l’encontre de notre action régionale Les politiques publiques régionales que nous connaissons ici en Champagne-Ardenne pourraient être mises à mal  : en matière d’aide à la conversion à l’agriculture biologique, de développement des énergies éoliennes et autres énergies renouvelables, de lutte contre les produits phytosanitaires.

Cet accord serait en effet un moyen pour les multinationales d’éliminer toutes les décisions publiques qui constituent des entraves à l’expansion de leurs parts de marché, consacrant la domination des multinationales et la domination du modèle ultralibéral états-unien.  

De plus, le texte s’attaquant aux labels garantissant l’origine des produits traditionnels issus d’un terroir ou d’un savoir-faire particulier, l’activité économique agricole de notre région pourrait en pâtir grandement. Ce projet prévoit par ailleurs introduire un mécanisme d’arbitrage privé, qui se substituerait aux juridictions existantes. Les investisseurs privés pourraient ainsi contourner les lois et les décisions qui les gêneraient, permettant par exemple aux sociétés pétrolières d’imposer en France, et en Champagne-Ardenne, l’exploitation des gaz de schistes et autres hydrocarbures dits non-conventionnels. 

Ce traité entérinerait donc de fait un «droit des multinationales» supérieur aux droits des états. Les investisseurs privés pourraient ainsi contourner les lois et décisions qu’ils jugeraient, je cite: « déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires»; leur permettant par exemple, de cultiver des OGM en plein champ, d’importer du bœuf aux hormones, du poulet  au chlore, ou bien de remettre en cause le bio dans les cantines.   Un tel traité limiterait les capacités déjà faibles des États mais aussi des Régions à maintenir des services publics (éducation, santé, etc.), à protéger les droits sociaux, à garantir la protection sociale, à maintenir des activités associatives, sociales, culturelles et multiculturelles préservées du marché, à contrôler l’activité des multinationales dans le secteur extractif ou encore à investir dans des secteurs d’intérêt général comme la transition énergétique.  

Au-delà des échanges de marchandises, le Grand marché transatlantique achèverait l’ouverture à la concurrence des échanges immatériels Le projet d’accord prévoit d’introduire de nouvelles mesures relatives aux brevets, droits d’auteur, protection des données, indications géographiques et autres formes de la dite  « Propriété intellectuelle », faisant revenir par la petite porte le défunt ACTA (Accord commercial anti-contrefaçon), refusé en juillet 2012 par les eurodéputés, suite à une large mobilisation des citoyens européens. 

Discrètement, de puissants lobbies européens et transatlantiques sont déjà à la manœuvre pour élaborer avec la Commission européenne, seule autorité en charge des négociations au nom de tous les États membres, les termes d’un éventuel accord d’ici 2015. À l’inverse, les citoyens, les mouvements sociaux, les parlementaires européens, n’ont pas accès aux informations sur les négociations en cours. Pourtant les citoyens  s’organisent ; de nombreux collectifs se créent en France et en Champagne-Ardenne; des collectivités ont délibéré pour se déclarer «hors TAFTA», c’est le cas des régions Ile de France, PACA, Midi-Pyrénées, Nord-Pas de Calais, Limousin.. Ce traité marquerait la fin de notre modèle européen, la remise en cause de notre souveraineté, sans que les citoyens européens aient eu la possibilité d’un examen et d’un débat démocratique.  

C’est pourquoi,  la région Champagne-Ardenne doit se prononcer sur ce traité qui entraînerait avant tout la dérégulation, la marchandisation du monde et l’amplification de la concurrence. Aussi il vous est proposé que la Région Champagne-Ardenne :

  • Demande un moratoire sur les négociations sur le Partenariat Transatlantique de commerce et d’investissement et la diffusion publique immédiate des éléments de la négociation.
  • Demande l’ouverture d’un débat national sur ce partenariat impliquant la pleine participation des collectivités locales et des populations.
  • Refuse toute tentative d’affaiblir le cadre réglementaire national ou européen, en matière de santé, d’environnement, de protection des travailleurs et des consommateurs.
  • Organise un débat dans la région d’ici à la session d’octobre qui associe les champardennai car l’oligarchie ne doit pas avancer dans le dos des citoyens

Christophe Dumont