L'intervention de Christophe Dumont, sur les orientations budgétaires lors du conseil municipal du 13 décembre 2022

Monsieur le Maire, mes chers collègues,

Je vous indiquais Monsieur le Maire la dernière fois que vous avez présidé cette assemblée, que je n’aimerais pas être à votre place pour élaborer le budget de notre collectivité pour 2023. Non pas que je ne souhaite pas un budget alternatif a celui que vous esquissez ce soir, j’appelle de mes vœux un budget plus protecteur et plus redistributif, une ville plus autonome et plus résiliente, mais parce que la politique budgétaire que vous menez depuis maintenant 8 ans, bientôt 9, vous mène, nous mène, aujourd’hui Monsieur le Maire dans une impasse. 

La crise de l’énergie que nous traversons agit comme un révélateur de nos carences :

 vous étiez pourtant bien placé aux côtés de Nicolas Sarkozy pour connaître les objectifs du Grenelle de l’environnement : réduire la consommation d'énergie primaire dans les bâtiments publics existants de 38 % d'ici à 2020, or rien n’a été fait ici - ou si peu- et vous nous proposez enfin, 10 ans après, mieux vaut tard que jamais, de réorienter nos investissements vers, je vous cite, « la rénovation énergétique structurelle » des bâtiments communaux. Vous souhaitez également, « préparer l’avenir » avec, je vous cite, « des crédits d’étude pour finaliser les audits sur les 23 bâtiments plus gros consommateurs », des crédits d’étude pour finaliser des audits préalables à d’éventuels travaux, nous en sommes la, monsieur le Maire, 10 ans après ! de la même manière vous souhaitez « réfléchir à un plan ambitieux de déploiement d’énergies renouvelables permettant de réduire notre dépendance » commencer à réfléchir à un plan, 10 ans après le Grenelle Monsieur le Maire nous en sommes là alors que d’autres communes ont fait de grands pas vers l’autonomie énergétique, vous nous indiquiez récemment qu’Ardenne-Métropole ne produit que 6 % de l’électricité qu’elle consomme ! 

Cette quasi-décennie d’inaction pour le climat, ce premier mandat pour rien à l’agglo et à la ville que j’ai souvent dénoncé ici nous coûtent très cher aujourd’hui : 

une facture d’électricité multipliée par 3 ou 4 et des factures de gaz qui explosent. Nous sommes donc dans la spirale suivante : nous n’avons investi ni dans l’isolation de bâtiments publics ni dans la production d’énergie renouvelable donc nos dépenses de fonctionnement explosent; ainsi nous ne dégageons plus d’excédent pour investir, donc nous n’investissons pas pour l’avenir, ainsi le fonctionnement explose, c’est dans ce désespérant cercle vicieux que vous vous êtes enfermé, Monsieur le Maire

… Mais ce cercle infernal a d’autres conséquences qui ont pour noms, diminution de l’aide aux associations explosion de la dette, diminution du service public, et privatisation.

Les dépenses d’éclairage public représentent vous le savez mes chers collègues près de la moitié de notre facture d’électricité ; cette facture explose aujourd’hui, il faut donc faire des économies de fonctionnement et la variable d’ajustement c’est la rémunération des agents, vous nous proposez ce soir de ne plus remplacer du tout les agents qui partent. L’étape suivante c’est la privatisation de pans entiers du service public. D’ailleurs dans la novlangue technocratique de votre rapport, on ne privatise pas, s’agissant de la gestion de l’espace public on prône je cite « une optimisation de la répartition des tâches entre la régie et l’externalisation » , comme cela est bien dit ! plus loin il est indiqué : « l’exécutif s’est attelé à la tâche pour resserrer le périmètre et le niveau de service public produit par la collectivité » puis on s’interroge benoîtement : « y-a-t-il un autre moyen de rendre le service à l’usager ? » certainement grâce à ces associations, ce tiers-secteur tellement essentiel au lien social et à la protection de nos concitoyens que vous proposez de supprimez 10 % de l’aide que la municipalité lui consacre…. 

Première étape de la privatisation, donc : l’éclairage public : 

le manque de personnel dédié, le manque d’investissement depuis des années, et finalement le manque de marge de manœuvre du à une facture multipliée par trois, aboutissent à la décision qui nous est soumise ce soir -pour information- d’une privatisation du service. Et même si vous nous dites aujourd’hui que le contrat de performance n’est pas le partenariat public privé, son jumeau du Grenelle, PPP dont vous convenez maintenant je vous cite qu’il revient pour la collectivité a payer 3 fois le prix d’un service, une première décision prise au conseil de novembre, en catimini, qui attribuait les certificats d’économie d’énergie afférents au contrat de performance pour l’éclairage public et qui bradait les intérêts de la ville au profit d’une multinationale de l’énergie, augure mal de la suite. Le titre de l’Ardennais résumait d’ailleurs parfaitement la situation : le journal local titrait dans le mille : « à qui profitent les économies d’énergie ? »

 J’en viens, Monsieur le Maire aux économies que vous envisagez 

Vous nous proposez de diminuer l’enveloppe dédiée aux associations alors qu’elles sont l’école de la démocratie et des amortisseurs formidables aux diverses crises que nous traversons, la baisse de 10 % des crédits aux associations est un mauvais coup comme l’est la baisse des crédits au spectacle vivant , limitation des enveloppes dédiées aux temps forts culturels comme la nuit blanche ou la fête de la musique et, toujours ces fameux éléments de langage, je cite le rapport : « redimensionnement des moyens au bénéfice du festival mondial des théâtres de marionnette », on ne baisse pas la subvention au festival, on redimensionne les moyens à son bénéfice ! ça change tout ! Plus sérieusement nos 2 festivals,qui sont les deux plus prestigieux festivals du grand est, le FMTM et le cabaret vert, ont une économie singulière, en ce que la part du bénévolat est importante dans leur budget et les subventions publiques assez faibles par rapport au bénéfice qu’en retire notre ville, autant en termes de retombées économiques qu’en terme d’image, en cas de baisse de l’aide de la ville le festival de marionnettes devrait raboter son offre, alors que retirer ? le spectacle d’ouverture, diminuer le nombre de représentations ? Augmenter le prix des places ? Supprimer en tout ou partie le off ? 

Pour la programmation du théâtre, si elle est prévue jusqu’en juin , vous envisagez une nouvelle baisse des crédits après celle de 20 % en vigueur depuis le début de votre premier mandat, tout cela me rappelle une phrase que l’on prête à Lincoln : « la culture coûte cher, essayez l’ignorance » cela vaut aussi pour l’éducation.

Mes chers collègues selon une autre phrase non moins célèbre prêtée à Victor Hugo, chaque fois qu’on ouvre une école on ferme une prison sinistre coïncidence, vous nous proposez ce soir monsieur le maire de fermer 3 écoles et de bâtir un centre de surveillance.

Comme les policiers sont les seuls fonctionnaires municipaux qui seront remplacés dans le futur en cas de départ et que les seuls recrutements se feront de manière interne, faut-il en conclure qu’à la fermeture des centres de loisir du mercredi que vous ambitionnez, les animateurs du périscolaire troqueront l’accueil de nos bambins contre la morne contemplation d’écrans reliés à des caméras de surveillance toujours plus nombreuses ?

Concernant ces 3 écoles que vous menacez de fermeture, Monsieur le Maire, 

elles sont essentielles à l’attractivité de notre ville, et si nous voulons en finir avec cette ville donut ou la prospérité se réfugie à l’immédiate périphérie et ou la ville centre conjugue logements vides et grande pauvreté, y compris au centre-ville, gardons nos écoles de quartier pour faire venir et garder les jeunes parents attirés par cette ville ou tout peut se faire à pied ou grâce aux déplacements actifs. J’ajoute que fermer une école d’application serait un très mauvais signal pour la formation des maîtres. 

J’espère que ces annonces sans concertation sont des ballons d’essai que vous avez lancé en habile politique et que vous saurez renoncer à ces mesures face à la juste mobilisation citoyenne.

J’aimerais finir, Monsieur le Maire, par quelques mots à propos des recettes de ce futur budget.

J’ai souvent dit ici que ces orientations budgétaires devraient être le lieu d’un débat sur la fiscalité et sur la part du financement qui revient à l’impôt et celle dévolue a l’usager, pas seulement pour appliquer le principe pollueur/payeur. Vous fixez Monsieur le Maire comme un principe intangible la non augmentation du taux de l’impôt. Or vous nous proposez ce soir Monsieur le Maire, de diminuer significativement le niveau de service public, service public qui constitue un bouclier face à la crise, spécialement pour les plus pauvres.

 2023 verra la fin de la taxe d’habitation, notre seule ressource est l’impôt foncier, 

est-il aberrant d’envisager d’augmenter même légèrement la contribution des 35 % de propriétaires pour venir en aide aux 28 % de pauvres que compte notre commune ? 

En tous cas la question mérite d’être posée tant on sait que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas…. L’autre instrument de redistribution est l’outil tarifaire, la modulation des tarifs en fonction du revenu, je compte parmi les fervents partisans de la tarification sociale des services publics locaux. Je prône en pure perte depuis 2 mandats à l’agglo une mesure à la fois sociale et écologique: la tarification progressive du prix de l’eau afin d’instaurer une quasi gratuité des premiers mètres-cube de ce que je considère avec d’autres comme un bien commun essentiel.

 J’ai relevé dans votre rapport assez de points noirs pour souligner un point positif : 

la proposition de faire passer les tranches de tarif des cantines de 3 à 7 pour mieux tenir compte des revenus des parents ; j’avais assez pointé le fait que les moins favorisés des carolos payaient la cantine de leurs enfants 8 fois plus cher que leurs homologues rémois pour ne pas me féliciter cette proposition. Encore faut-il s’entendre pour que ces modifications ne soient pas le prétexte à une augmentation globale mais donnent lieu à un réel étagement des tranches de tarif, travail que vous m’avez proposé d’entreprendre des la prochaine réunion de la commission budget. Pour mémoire le programme de la liste écologiste et citoyenne prévoyait la cantine à 1 euro pour les plus pauvres. 

Pour conclure, permettez moi d’ être un peu solennel Monsieur le Maire, 

Nous allons bientôt être à mi-mandat et si nous avons souhaité depuis bientôt 3 ans être à la fois respectueux et constructifs, , il ne faut pas prendre notre courtoisie pour une approbation . Même si vous vous définissez toujours volontiers de droite vous aimez répéter à qui veut l’entendre que votre équipe est diverse et qu’il n’y a pas d’alternative à la politique que vous menez, politique que vous présentez volontiers comme issue de choix techniques inéluctables. 

Or aujourd’hui les orientations que vous nous proposez sont clairement libérales, et même franchement empreintes de dogmatisme. Elles franchissent la ligne rouge qu’avaient fixée vos illustres prédécesseurs, vos choix mettent en danger le service public, je répète que le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas. 

Vous avez quelques semaines, d’ici le vote du budget primitif, Monsieur le Maire, pour vous ressaisir.