FORÊT : « ILS NE SAVENT PAS CE QU’ILS FONT ! »

Pour une forêt durable 

De nombreuses « coupes à blanc » sont effectuées de plus en plus fréquemment partout dans le monde. 

Le département des Ardennes n’échappe pas à ce constat : des milliers d’hectares viennent de disparaître en forêt de Signy, de Froidmont, de Revin… sans oublier les bords de route qui subissent silencieusement aussi d’effroyables attaques. Il est vrai que monoculture, pollution et dérèglement climatique augmentent l’apparition de certains parasites (scolyte, chenille processionnaire, pyrale, etc…) et que la disparition d’espèces – récente comme l’orme ou programmée comme celle du hêtre – compromet gravement l’équilibre de la vie forestière. Mais avec les coupes rases, c’est aujourd’hui la préservation de notre environnement et de nos conditions de vie sur terre qui est en jeu. 

Pourquoi de telles pratiques ? 

Au nom d’un intérêt économique à court terme, on sacrifie sans état d’âme des arbres centenaires et des forêts entières de feuillus. Les espaces forestiers sont désormais gérés comme de véritables entreprises. La culture du bois s’envisage pour certaines personnes dénuées de scrupules comme celle du maïs ou des céréales. Sous couvert de rationalisation, productivité et réduction des coûts, des abatteuses monstrueuses saccagent pour longtemps la biodiversité forestière. 

Seul le rendement immédiat prime. Mais sait-on bien quelles conséquences désastreuses entraînent ces méthodes radicales ? 

Couper à blanc, c’est déjà modifier en profondeur la structure physique et la composition chimique du sol. 

Sans le système racinaire des arbres, le réseau mycorhizien est mis à mal et le sol s’appauvrit. C’est aussi, du fait de l’érosion, augmenter le taux de nitrates dans les cours d’eau, ce qui entraîne des effets délétères sur la santé. Supprimer tous les arbres sans distinction, c’est également élargir l’amplitude thermique quotidienne et saisonnière. Les vents de plus en plus violents s’engouffrent dans des trouées désertiques et déracinent les individus qui se trouvent à proximité. L’air et les sols de surface s’assèchent. On le voit, couper à blanc amplifie le phénomène de réchauffement climatique et son cortège de dommages : dégazement du CO2 depuis des sols non protégés par le couvert végétal, perte irrémédiable de la biodiversité, dégradation, tassement et érosion de la terre, augmentation des pollutions car le couvert forestier et son sol ne jouent plus leur rôle de filtration de l’eau. 

Est-il nécessaire de rappeler que les arbres stockent le CO2 grâce à la photosynthèse ? 

Or ces effets perdurent pendant plusieurs années, y compris sur de petites trouées inférieures à 0,25 ha comme les bords de route… Contrairement à ce que pensent certains élus, la solution miracle pour faire revivre ces espaces quasi-lunaires laissés par les coupes rases ne consiste pas à replanter « d’autres essences caractéristiques de l’écosystème forestier.[2] » 

Convertir une forêt issue de régénération naturelle en bois de quasi-monoculture est de nos jours une véritable aberration. D’autant plus lorsqu’on y introduit des espèces non endogènes estimées plus « rentables » car elles arrivent plus vite à maturation. En effet, au nom de la lutte contre le réchauffement climatique on n’hésite pas à introduire des résineux exogènes, quitte à les asperger de produits sanitaires… Au contraire, la diversité des essences favorise la biodiversité et renforce la lutte contre les maladies. Et c’est en complexifiant la structure et la composition des massifs forestiers que nous les adapterons aux changements climatiques. La conversion d’une forêt en entreprise lucrative pose par ailleurs des problèmes éthiques. En adoptant le 5 avril 2019 la déclaration des droits des arbres,[3] l’Assemblée Nationale a commencé à poser des jalons dont les citoyens que nous sommes doivent maintenant s’emparer. Des associations telles que Canopée ou France Nature Environnement se mobilisent et les services de l’état également. Localement, le Conseil Scientifique Régional du Grand Est (CSRGE) ou le Conseil Scientifique du Parc Naturel Régional des Ardennes (CSPNRA) ont émis des avis très sévères sur les coupes à blanc. 

Or des solutions alternatives aux coupes rases existent. La sylviculture à couvert continu assure un revenu régulier aux gestionnaires et propriétaires tout en conservant un milieu naturel propice à la biodiversité pour préserver filtration des eaux, maintien des sols et fixation du CO2. En région Grand Est, plusieurs projets sont à l’œuvre pour préserver le milieu forestier, à la mesure des enjeux considérables dont il fait l’objet. La Fondation Francis Hallé se penche en ce moment sur la création d’un espace protégé de « forêt primaire » situé de préférence en zone frontalière et dans le N.E. de la France… pourquoi pas dans les Ardennes[4] ? Une antenne départementale de Canopée pourrait prochainement voir le jour. 

Au niveau individuel aussi, des actions sont possibles. France Nature Environnement, via l’association Nature et Avenir, conseille aux propriétaires privés qui le peuvent d’accorder le plus possible d’espaces vierges de tout entretien à la faune et à la flore locales. « Planter un milliard d’arbres », comme l’a claironné Emmanuel Macron, ne saurait passer par aucune coupe rase et encore moins confier le reboisement à des entreprises privées dont le seul but consiste à générer d’énormes bénéfices au mépris de toute considération écologique. Le paravent du crédit carbone a encore de beaux jours devant lui…  

Il est encore temps d’agir. 

Rejoignons ces associations pour, dans nos communes, nos assemblées décisionnaires ou festives, faire entendre la voix des arbres !

 [1] http://www.gip-ecofor.org/expertise-crref-coupes-rases-et-renouvellement-des-peuplements-forestiers/

[2] Solution préconisée par le très discutable label PEFC https://www.pefc-france.org/qu-est-ce-que-pefc/

[3] https://www.arbres.org/declaration-des-droits-de-l-arbre.html, en particulier article 5.

[4] Voir notre article https://champagne-ardenne.lesecologistes.fr/posts/2KEv1QyztdxDW7UnUCI7IU/pour-la-creation-d-une-foret-primaire-en-ardenne