Le Projet Alimentaire Territorial des crêtes : un modèle inspirant

Naissance du projet
En 2020, les élus de la Communauté de Communes des Crêtes Préardennaises constatent que l’agriculture locale, bien qu’exportatrice, ne couvre pas les besoins des habitants. Sous l’impulsion de Jean-Marie Oudart, le Conseil décide de soutenir l’installation de paysan.ne·s dans des productions manquantes et d’aider à leur transformation sur place.
Un poste « Agriculture et Développement Durable » est créé, soutenu financièrement par l’ADEME. C’est ensuite le PNA qui le financera, jusqu’en 2024, reliant Agriculture et Alimentation en un Projet d’Alimentation Territorial. Cette mission d’intérêt général, confiée à Isabelle HENRY, devrait se poursuivre en 2025-2026 grâce aux fonds européens LEADER.
De l’élaboration à la réalisation : une dynamique vertueuse pour tout un territoire
Un vaste travail de réflexion et d’échange avec les acteurs locaux permet d’abord d’identifier plusieurs priorités pour définir les actions à mener. L’objectif agricole renforcera l’offre alimentaire locale en développant une agriculture plus durable ; des circuits courts desserviront les habitants au plus près. Le volet alimentaire viendra améliorer la qualité des menus dans la restauration collective. Ainsi, une alimentation locale de qualité pourra devenir accessible à toutes et tous.
Labellisé par l’Etat au niveau 1, le PAT propose des formations techniques aux agriculteur·ice·s (bilan carbone, agroforesterie…) accompagnées d’aides financières ciblées. Très vite, le projet passe au niveau 2. Il vise désormais à fournir 10 à 50 % de produits locaux dans les paniers des ménages, tout en soutenant l’installation ou la conversion de fermes et cultures en bio. La logistique se développe pour approvisionner au mieux les commerces locaux en produits laitiers, viande, végétaux, etc… ; la collecte des pneus usagés est organisée pour éviter la pollution des sols et des nappes phréatiques ; l’achat de matériel d’occasion est encouragé pour limiter l’endettement et favoriser le recyclage.
Le PAT possède aussi un versant pédagogique en direction des enfants et des adultes : visites de fermes, défi « Familles Alimentation », campagne de pesée contre le gaspillage alimentaire en restauration collective, soutien aux produits locaux dans les cantines, création d’une Cuisine Centrale à Auvillers-les-Forges ou encore proposition de formation en cuisine végétale destinée aux cuisiniers. A Launois-sur-Vence, les colis de Noël destinés aux anciens sont exclusivement composés de produits issus du territoire.
En 2025, c’est l’axe « Santé » qui est mis en avant. Une « ordonnance verte » (paniers composés de produits bio financés à 50 % par la ComCom des Crêtes) est proposée aux femmes enceintes et aux parents d’enfants jusqu’à 3 ans. A Signy-L’Abbaye, un jardin partagé permet aux personnes de renouer le contact avec la terre et les légumes, en favorisant activité physique et échanges culturels. A Saint-Loup-Terrier, une association de bénévoles s’apprête à ouvrir une épicerie participative. Et (scoop !) durant la Semaine du Goût, du 13 au 16 octobre prochain, un repas bio sera organisé dans un collège du secteur !
Le PAT accroît sa visibilité, avec la création d’un guide des producteurs locaux et d’une signalétique dédiée aux fermes des producteurs en vente directe. L’animation d’un atelier culinaire itinérant (foodtruck) contribue à favoriser un premier contact avec les produits du terroir. Mais c’est surtout grâce au précieux soutien des collectivités territoriales, structures et associations que les réalisations sont concrétisées.
Mobiliser les énergies pour un projet collectif rencontre des freins et difficultés. Le milieu agricole a été soumis à rude épreuve ces dernières années (épizooties destructrices, dérèglements climatiques, péripéties de la loi EGalim, attribution des aides de la PAC défavorables aux petites exploitations, concurrence déloyale des importations…). Dans cet environnement morose, grande est la tentation du repli sur soi. Il faut convaincre pour rompre l’isolement, faire évoluer les mentalités, lever les doutes et redonner le goût et la force de poursuivre. La motivation de l’équipe et les aides financières attribuées par la ComCom des Crêtes jouent ici pleinement leur rôle.
« Nourrir le territoire »
En partant de l’existant et des attentes de chacun.e, il est possible, grâce à une vision programmatique concertée, d’agir comme un levier pour revenir aux fondamentaux : oui, une agriculture respectueuse de l’environnement peut nourrir le monde durablement sans impacter l’avenir de nos enfants. Maintenir la polyculture élevage en zone rurale permet aussi de conserver pâtures et haies en limitant l’érosion tout en contribuant au bien-être des éleveurs. Au final, à travers le partage d’expérience, l’entraide et la mutualisation, toute une profession retrouve le sens de son travail et c’est l’état de santé de toute la population qui s’améliore. La diversité des actions mises en place et l’adhésion d’un grand nombre d’acteurs locaux dans le cadre du PAT des Crêtes montrent que de telles initiatives collectives modèlent un territoire en transition où il fait bon vivre.
Nadine Soret